"Une mélancolie arabe" de Abdellah Taïa
Voici un petit roman de 126 pages écrit par Abdellah Taïa, auteur marocain de langue française. Il fut l'un des premiers écrivains arabes a affirmer publiquement son homosexualité, autant dans ses ouvrages que lors des interviews qu'il donne. Il publie depuis le début des années 2000 et a obtenu le Prix de Flore pour son roman "Le jour d'un roi" en 2010.
"Une mélancolie arabe" est un ouvrage qui allie le sentiment de mélancolie (trouble de l'humeur caractérisé par un état dépressif) et la chute, à quatre reprises, du corps du personnage principal qui est l'auteur lui même. Chutes qualifiées de "mort" dans l'ouvrage ("Un jour, je te raconterai la première fois que je suis mort.") et qui correspondent à des moments marquants de son existence : le viol collectif auquel Abdellah échappe de justesse alors qu'il est jeune adolescent, sa rencontre sur un tournage de film avec Javier,...
Le thème de la relation au corps est omniprésent et d'autant plus marquant qu'il se fait dans un contexte politique et religieux qui dresse des barrières aux corps qui souhaiteraient s'exprimer librement.
Liée à la relation au corps, la thématique de l'homosexualité, chère à l'auteur et que l'on retrouve dans tous ses ouvrages, est également un axe central de ce roman autobiographique. Comment se construire en tant qu'être humain si la société dans laquelle on vit vous cantonne à appartenir au cliché unique de "garçon efféminé" ? Voilà l'une des réflexions abordées par Abdellah Taïa au travers de son récit.
"Une mélancolie arabe" est un livre coup de poing qui m'a plu tout en me mettant, parfois, mal à l'aise car j'avais l'impression d'être trop dans l'intimité du personnage, à la limite du voyeurisme imposé. Il n'en reste pas moins que c'est un roman intelligent au style agréable et à la sensibilité touchante.
Note : 3,5/5
Passage choisi : "Trois garçons sont venus à moi. Ils étaient tout d'un coup devant moi. Eux aussi étaient pieds nus. Ils m'ont salué ainsi : "Salut, Leïla ! Tu vas bien, Leïla ! "
Je savais ce qu'ils voulaient. Ce qui m'attendait.
Mais je ne savais pas quoi faire.
Ils étaient plus grands que moi. L'un d'entre eux était beau, arrogant, légèrement barbu. C'est lui qui parlait, c'est lui qui voulait, qui commandait."