- La fabrique des salauds - de Chris Kraus

Publié le par Nathalie

- La fabrique des salauds - de Chris Kraus

"La Fabrique des salauds", paru chez Belfond, le 22 août 2019 pour la rentrée littéraire, est le premier roman publié en France par Chris Kraus, auteur allemand ayant commencé sa carrière comme journaliste et illustrateur avant de devenir scénariste, puis réalisateur de films et, enfin, romancier. Né à Gottingen en 1963, il vit aujourd'hui à Berlin.

4ème de couv' : "1975 - Deux patients réunis dans la chambre d'un hôpital bavarois. L'un est Konstantin Solm, dit Koja, un vieil homme avec une balle nichée dans la tête. Un soir, Koja commence à raconter son histoire, et il ne pourra plus s'arrêter. Son enfance dans une famille lettone à Riga, dans les années 1920 ; la relation destructrice qui l'unit à son frère Hub ; la passion qu'il partage avec ce dernier pour Ev, leur sœur adoptive, orpheline juive ; son embrigadement dans la Wehrmacht avec son frère, qui l'oblige à renoncer à sa vocation d'artiste ; leurs vies d'espions pour le KGB, pour le Mossad...

A partir d'archives familiales, Chris Kraus a composé une œuvre magistrale. L'histoire des Solm est l'histoire d'un ménage à trois électrique, qui nous entraîne dans de terrifiantes zones d'ombres, où morale et droiture sont bafouées sans ménage. Trois destins où passions, violences et trahisons règnent en maîtres avec, en creux, le portrait d'une Allemagne à l'agonie et la naissance d'une nouvelle ère, où sévissent de nouvelles règles du jeu."

Cet ouvrage est tellement foisonnant, tellement complexe qu'il m'est difficile de mettre des mots sur ce que j'ai ressenti à sa lecture. De la sidération devant les choix de Koja, de la tendresse pour la force qu'il met à vouloir protéger coûte que coûte Ev, même si c'est au mépris de sa propre personne, de l'étonnement devant des passages de l'Histoire que j'ignorais totalement, du mépris devant le personnage d'Hub, de l'amusement devant certaines situations mais surtout à cause du style employé par Koja pour narrer ses (més)aventures,... Bref, un véritable ascenseur émotionnel !

Et pourtant, au départ, en découvrant ce pavé de 886 pages, qui traitait de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme, j'étais peu emballée... Chris Kraus réussit pourtant, avec maestria, à nous embarquer, à la fois dans une saga familiale et dans un récit sur un pays et sa réalité historique, le tout sur une période de soixante-dix ans.

Trahison et amour sont les deux grands moteurs de ce récit prenant et bouleversant qui nous montre comment un artiste à l'âme sensible peut, par le jeu des événements, de ses choix, devenir un véritable salaud.

J'ai également apprécié le procédé mis en place par l'auteur pour rendre la narration plus attractive. Koja raconte son histoire à un personnage original, hippie de son état et ayant une vis en titane dans le crane, obligé de partager la chambre d'hôpital de cet ancien nazi. Finalement, tout comme lui, le lecteur se retrouve pris en otage de ce récit dérangeant, et tout comme le hippie, il se demande constamment s'il veut ou non connaître la fin de l'histoire.

Note : 4,5/5

Passage choisi :"Nous étions au pied de son wagon vert Reichsbahn, les chaudières de la locomotive fumaient depuis longtemps, et un courant d'air déplaisant faisait tourbillonner la vapeur autour de nos têtes. Alors, quelque chose brilla autour de son cou, la chaîne avec le petit jésus en argent qui était entrée en même temps qu'elle dans la famille Solm et ne serait bientôt qu'un vieux bout de métal. Car je n'avais pas le choix : puisque je devais lui dire combien je l'aimais et que seul mon uniforme - et celui de Hub - pouvait la protéger, je devais aussi lui dire ce qu'il y avait à protéger. Et alors qu'assise dans son compartiment, elle me tendait la main - ou plutôt l'esquisse d'une main, une ébauche faite de petits os de poulets froids et translucides - par la fenêtre ouverte, je lui racontai l'histoire de Meyer et de Murmelstein, et tout ce qu'il est possible de raconter en quarante secondes."

Publié dans ROMANS

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