"A Juliette" de Fabienne Le Clauze
"A Juliette" est un livre-témoignage écrit par Fabienne Le Clauze à la suite du suicide de sa fille adolescente de 14 ans, le 2 janvier 2016. Ce livre de 237 pages a été publié chez Flammarion, début mai 2018, soit quelques 28 mois après la tragédie qui a frappé de plein fouet cette femme et sa famille. La préface de l'ouvrage a été rédigée par Patrick Poivre d'Arvor à qui l'auteure a envoyé un mail, comme on envoie une bouteille à la mer, ayant lui même perdu sa fille, Solenn, en 1995, dans des circonstances semblables.
4ème de couv' : «Quand ma fille Juliette s’est suicidée, j’ai été dévastée, anéantie. Pourquoi une jeune fille de quatorze ans décide-t-elle de mettre fin à ses jours? Je me suis sentie totalement coupable, je n’avais pas su protéger ma fille. Comment survivre à la mort de son enfant?»
Par cette lettre ouverte à sa fille, l’auteur exprime comment elle a apprivoisé l’absence, le silence, la souffrance ainsi que le sentiment d’impuissance éprouvés suite à sa disparition. Comment elle a découvert en elle une force inconnue mais surtout a appris à se reconnecter à des émotions enfouies, à la confiance en soi et à la bienveillance.
«Même si la tempête s’est calmée, si les vagues de fond sont de plus en plus éloignées, je sais que le chemin n’est pas fini, il faut énormément de temps pour faire le deuil de son enfant. Il faut accepter notre impermanence.»
Malgré un sujet douloureux, le suicide d'une enfant, Fabienne Le Clauze nous livre avec brio un témoignage sincère et lumineux. Elle, qui semble-t-il n'avait jamais écrit, a réussi à exprimer ses émotions, à raconter son parcours du combattant avec simplicité et avec force. Elle a d'ailleurs suivi plusieurs ateliers d'écriture pour l'aider dans cette démarche qu'elle a entamée afin d'essayer d'apprivoiser sa douleur.
Que d'émotions à la lecture de ses souvenirs, à l'évocation du mal être de sa fille, à la description des réactions de chaque membre de la famille, des proches, des amis de Juliette. Chacun a sa manière de vivre son deuil. La même perte ne provoque pas forcément les mêmes réactions. L'auteure est de celles pour qui la douleur est personnelle, à vivre en solitaire. Cela est difficile pour ses deux autres filles et pour son mari. Elle explique vraiment très bien ce qu'elle a pu traverser, les différentes étapes qui ont constitué son chemin vers une forme d'acceptation, d'apaisement intérieur.
J'ai été extrêmement touchée par ce texte dans lequel Fabienne Le Clauze se livre totalement, mais sans impudeur, ni faux-semblants. On ressent une partie de sa douleur, de son désarroi, même s'il nous est impossible, sans avoir vécu ce drame de se mettre à sa place.
L'absence, les silences pesants, les souvenirs qui ressurgissent brusquement et douloureusement, l'attente d'un être qu'on ne reverra plus jamais, les dates anniversaires qui arrivent et qu'on redoute... Fabienne La Clauze explique très bien tous ces moments, inévitables, quand on perd un être aimé.
"A Juliette" est un bel ouvrage, plein de sens. Une ode à l'amour d'une mère pour sa fille. C'est également un livre d'espoir qui montre que, même quand on vit le pire, on peut puiser dans ses dernières forces, dans l'entourage familial, amical... pour remonter à la surface, vers la lumière. A chacun(e) de trouver par quel moyen y parvenir...
Note : 4,5/5
Passage choisi : "Pardonne-moi pour toutes les fois où je t'ai fait du mal sans le vouloir, celles où je t'ai engueulée pour tes notes, celles où je ne t'ai pas assez félicitée pour d'autres, où je ne t'ai peut-être pas assez encouragée sur la poutre, pour ton piano... Pardonne-moi d'avoir certainement trop râlé. Pardonne-moi, si j'avais su que tu allais rester si peu. J'aurais fait beaucoup mieux ! Mais, comme toutes les mamans, j'ai fait ce que j'ai pu avec tout mon amour... Car mon plus cher désir était de savoir ma fille heureuse."