"La porte des Enfers" de Laurent Gaudé
Invitée, le 16 février, à une dédicace de Laurent Gaudé à la librairie L'Eclectique, j'en parle autour de moi afin de rallier les foules. Je n'ai rien lu de cet écrivain et je m'apprête donc à élargir encore le cercle de mes lectures... Voilà que mon beau-frère me sort un livre de sa bibliothèque et me dit : "Tiens, lis-le, il est vraiment très bien !". C'est ainsi que je me suis mise à découvrir "La porte des Enfers" juste quelques jours avant ma rencontre avec son auteur.
1980. Naples. Matteo, chauffeur de taxi, emmène exceptionnellement son fils Pippo à l'école ce matin-là. Tirant par la main le petit garçon qui ne va pas assez vite à son goût, Matteo se dirige sans le savoir vers un funeste destin. A quelques mètres de leur destination, le père et son fils sont pris dans les tirs croisés d'une fusillade. Un règlement de compte entre bandes rivales. Touché à l'abdomen, Pippo va mourir sous les yeux de Matteo. Commence alors pour ce dernier une lutte pour trouver la force de vivre, la force d'affronter la colère de sa femme, Giuliana, qui ne tardera, d'ailleurs, pas à le quitter. Perdu dans sa souffrance, Matteo va errer dans les rues nocturnes de Naples à bord de son véhicule, sans but, jusqu'au jour où il va rencontrer une étrange femme, un tenancier de bar, un vieux curé et un professeur persuadé qu'il est possible d'atteindre les Enfers pour aller y chercher ses morts...
Un roman qui est construit sur l'alternance de deux récits, les événements de 1980 et ceux de 2002. Un roman qui parle de la mort, du deuil, du pardon, de la vengeance, mais surtout d'amour. Un livre à la fois ténébreux et lumineux qui aborde avec justesse la réaction des parents suite à la disparition tragique de leur jeune enfant et qui montre combien le chemin du deuil est un chemin très personnel. Le mythe d'Orphée revu et corrigé par Laurent Gaudé avec un style pur et fluide qui prend le lecteur et ne le lâche plus.
Je dois dire que j'ai d'abord eu un moment de surprise et de doute quand j'ai entamé le livre car les premiers chapitres m'ont semblé sans lien entre eux. Le personnage de 2002 parle de lui de façon étrange et déroutante, rien à voir avec le pitch de la 4ème de couverture, on se demande donc où on a mis les pieds. Mais cela ne va pas durer longtemps et, au bout de quelques pages, on met les pièces du puzzle en place et tout semble d'une clarté limpide. On se prête au jeu des va-et-vient dans le temps pour suivre ces deux personnages à travers leur incroyable destin.
J'ai beaucoup aimé également les personnages secondaires qui les accompagnent, sorte de Cour des Miracles du coeur de Naples.
Un roman prenant, sombre, mais qui, pourtant, contient beaucoup d'amour, de force et de beauté ainsi qu'une bonne dose de
tragédie.
Note : 4,5/5
Passage choisi : "Elle venait de lui demander quelque chose et au fond elle avait raison. Cela ne leur rendrait pas leur fils mais, s'il ramenait à Giuliana la tête de l'assassin, peut-être parviendraient-ils à vivre à nouveau. Pour la première fois depuis la mort de Pippo, il sentit en lui une force chaude lui parcourir les veines. Il était maintenant parvenu sur l'avenue du port et il roulait à tombeau ouvert. Une ardeur nouvelle l'animait. Il se sentait fort, et d'une volonté que rien ne pouvait détruire. Il allait être patient et brutal à la fois. Il allait être intelligent et féroce et il retrouverait l'assassin de son fils. Sa femme au beau visage endeuillé pourrait alors sourire à nouveau."