"Ce que le jour doit à la nuit" de Yasmina Khadra
Cet été, partie en vacances dans le Sud, j'avais ramené de mon périple familial un gros (et très lourd) sac de livres. Mon oncle, qui lit mais ne conserve pas les ouvrages, m'avait offert la quasi totalité de ceux qui étaient chez lui. Jusqu'à présent, occupée par la rentrée littéraire puis les romans prêtés par mes collègues, je n'y avais pas encore puisé de quoi alimenter mon insatiable besoin de lire. Avec "Ce que le jour doit à la nuit", c'est maintenant chose faite...
Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, est un auteur algérien. Ancien militaire, il a écrit sous pseudonyme, puis devant le succès croissant de ses premiers ouvrages, il a enfin révélé son identité en 2002.
"Ce que le jour doit à la nuit"se déroule entre Oran et Rio Salado de 1930 à 1962, ce qui permet à l'auteur de raconter cette histoire en la situant sur fond historique de guerre d'Algérie.
" Ce que le jour doit à la nuit" a reçu plusieurs prix lors de sa sortie, dont le prix France Télévisions du roman 2008.
Younes et son père attendent avec impatience le moment de la moisson. La vente de la récolte permettrait enfin à la famille de se sortir de l'embarras financier dans lequel elle se trouve. Malheureusement, le sort en a décidé autrement, et après que le blé soit parti en fumée, la famille n'a d'autre choix que de gagner la ville d'Oran pour aller vivre dans le quartier des indigents, Jenane Jato.
Malgré une volonté farouche de reprendre la main sur le destin et de faire fortune pour offrir à sa femme et ses enfants une maison, le père s'enfonce peu à peu dans la déchéance et la folie. Son dernier geste sensé, confier son fils à son frère, pharmacien marié à une française, pour qu'il lui permette de connaître une vie meilleure.
Younes, rebaptisé Jonas, va donc grandir au sein d'une communauté où se côtoient des algériens, des français, des juifs, des espagnols... Sur fond d'amitié et d'histoires d'amour, les enfants vont devenir des adolescents puis des hommes qui devront composer avec les événements politiques qui frappent le pays de plein fouet. Leurs relations vont subir les soubresauts dus aux actions et aux choix de chacun. Que restera-t-il du petit groupe d'amis une fois l'Algérie devenue indépendante ?
Je dois dire que j'ai été littéralement envoûtée par ce livre dès les premières pages. Yasmina Khadra est un vrai poète. Il est capable de raconter la pire misère, de mettre en scène les pires défauts des hommes dans une langue si belle et si chantante qu'on n'a pas envie que l'histoire s'arrête. Ses personnages sont bien construits et leurs failles nous les rendent attachants, les lieux sont merveilleusement bien décrits. J'ai aussi beaucoup appris sur un pan de l'Histoire que je n'ai jamais étudié durant les années passées sur les bancs de l'école.
Quelle humanité dans ce roman malgré une thématique lourde et chaotique ! Un vrai régal...
Note : 4,75/5
Passage choisi : "J'étais ébloui. Né au coeur des champs, je retrouvais un à un mes repères d'antan, l'odeur des labours et le silence des tertres. Je renaissais dans ma peau de paysan, heureux de constater que mes habits de citadin n'avaient pas dénaturé mon âme. Si la ville était une illusion, la campagne serait une émotion sans cesse grandissante ; chaque jour qui s'y lève rappelle l'aube de l'humanité, chaque soir s'y amène comme une paix définitive."